La Catalogne, pays de Gaudí
Antoni Gaudí i Cornet (1852-1926) est une des personnalités singulières qui ont émergé au tournant des 19e et 20e siècles, lorsque l’ensemble des disciplines artistiques occidentales furent soumises à d’importantes turbulences. On rattache cet architecte au courant du Modernisme catalan, homologue de l’Art Nouveau apparu à la faveur de l’effervescence économique, culturelle et politique qu’a connu la Catalogne à cette époque.
Faisant preuve d’une grande originalité, la majeure partie des œuvres de Gaudí sont inspirées par la nature. Empreintes d’onirisme, généralement rehaussées d’éléments décoratifs (pièces de ferronnerie, vitraux, céramiques…), elles évoquent fréquemment des formes organiques.
Casa Batlló © Mistervlad – stock.adobe.com
Les références à l’architecture du Moyen Âge occidental sont aussi notables, de même que se repère souvent l’influence d’esthétiques orientales. Très forte, la foi catholique de ce créateur s’est évidemment exprimée à travers ses projets d’édification de lieux de culte, mais aussi par la présence de symboles religieux dans ses constructions profanes.
Comme beaucoup de ses contemporains novateurs, on l’a autant dénigré qu’encensé. Aujourd’hui, on considère Gaudí comme une figure essentielle de l’histoire de l’architecture.
Sept de ses réalisations figurent sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco : Park Güell, Palau Güell, Casa Mila, Casa Vicens, façade de la Nativité et crypte du Temple Expiatori de la Sagrada Família, Casa Batlló, crypte de la Colònia Güell.
À Reus, la ville natale de Gaudí
Située à l’ouest de Barcelone, près de Tarragone, Reus est la ville natale de Gaudí – il y vécut durant les 16 premières années de sa vie. Elle ne donne à voir aucune de ses réalisations, mais on célèbre ici son œuvre dans le cadre du Gaudí Centre grâce à des maquettes et installations interactives, un spectacle audiovisuel, des documents…
À visiter aussi : le Museu de Reus. Il comprend une salle consacrée à Gaudí au sein de ses collections (art, archéologie, histoire…).
Parmi les bâtiments modernistes que recèle cette cité – elle en compte une grande vingtaine – se trouve la remarquable Casa Navàs de Lluís Domènech i Montaner. Elle indique que Gaudí ne fut pas le seul, en son temps, à débrider son imagination !
Barcelone : la ville capitale de Gaudí
C’est principalement à Barcelone que Gaudí a travaillé. On vient du monde entier dans cette grande ville afin de découvrir ses œuvres. Elles s’ajoutent à d’autres attraits qui font la renommée de la capitale de la Catalogne : son centre historique, ses Ramblas, ses plages, ou encore ses musées, entre autres ceux qui sont spécifiquement dédiés à Picasso et Miró, immenses artistes également liés à l’histoire de la région…
La plus célèbre création de Gaudí est sans doute le Temple Expiatori de la Sagrada Família. Hérissé de tours, il figure parmi les sites emblématiques de la ville et fait partie des lieux les plus visités en Espagne. La construction de ce monument stupéfiant a commencé en 1882 sous l’égide de Francisco de Paula del Villar. Un an plus tard lui a succédé Gaudí, lequel a reformulé le projet initial. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’édifice est toujours en chantier !
Celui-ci pourrait trouver sa conclusion en 2026, soit un siècle après la mort de Gaudí. Lorsque cette dernière survint, l’architecte avait achevé la crypte et la façade de la Nativité du temple. Des dessins et maquettes ayant été conservés, on décida de poursuivre les travaux. Sur place, un musée vous éclaire au sujet de ce lieu au cœur duquel repose son auteur.
Casa Museu Gaudí – Parc Güell © Mistervlad – stock.adobe.com
Le nom de l’industriel Eusebi Güell est associé à des réalisations de Gaudí car il fut son mécène. Pour ce dernier, il a conçu une résidence familiale appelée Palau Güell et les pavillons de la Finca Güell, situés à l’orée d’une propriété. La grille qui les relie arbore la représentation d’un dragon !
Le Park Güell couvre une vingtaine d’hectares sur une colline de la ville. Il recèle une zone forestière en plus des aménagements architecturaux. Ceux-ci comprennent deux pavillons d’entrée, dont l’un abrite un centre d’interprétation dépendant du Museu d’Història de Barcelona. De là, on emprunte l’escalier du Dragon qui conduit à la salle Hypostyle (86 colonnes) au-dessus de laquelle s’étend la place de la Nature. De part et d’autre de cet ensemble sont à voir les jardins d’Autriche, le portique de la Lavandière…
Dans l’enceinte du parc se trouve également la Casa Museu Gaudí. Il s’agit de la dernière résidence de l’architecte. Elle présente entre autres des meubles qu’il a créés.
Première réalisation de Gaudí à Barcelone, la Casa Vicens est en quelque sorte un feu d’artifice inaugurant ses œuvres à venir ! Devenue un musée, elle donne à visiter les espaces d’origine, une extension que l’on doit à Joan Baptista Serra de Martínez et un jardin. On y organise des expositions temporaires.
Initialement construite selon les plans de Emilio Sala Cortés, un des professeurs d’architecture de Gaudí, la Casa Batlló a été repensée par ce dernier. Il en a notamment refait la façade et l’a redécorée à sa manière.
Comparée à d’autres réalisations de Gaudí, la Casa Calvet peut apparaître plutôt sage ! Cependant, cette œuvre arbore une façade susceptible de plaire aux amateurs d’Art nouveau. Le restaurant China Crown Barcelona occupe le rez-de-chaussée du bâtiment.
Immeuble d’habitation agrémenté de deux cours, la Casa Milà est surnommée La Pedrera en raison de sa façade pierreuse qui évoque une carrière. On y visite un appartement, une mansarde dite de la Baleine et un toit terrasse où l’on a un point de vue sur des cheminées dont l’aspect fait songer à des guerriers.
Relativement dépouillé, voire austère, le Col·legi de les Teresianes est d’inspiration médiévale. À partir d’un projet préexistant, Gaudí a conçu cet établissement scolaire (toujours en activité) pour la Compagnie de Sainte-Thérèse.
Elle aussi d’aspect médiéval, la maison nommée Torre Bellesguard s’élève sur un site dominant Barcelone.
À découvrir encore : l’ondoyant mur d’enceinte et le portail de la Finca Miralles, lequel Miralles était un ami de Güell. Ce portail « gardé » par une statue représentant Gaudí – elle est de Joaquim Camps – donne aujourd’hui accès à des immeubles d’habitation.
Si vous passez par la Plaça Reial, ne manquez pas d’observer les deux lampadaires imaginés par Gaudí. À leur sommet, on voit un casque du dieu Mercure et un couple de serpents. On distingue deux autres lampadaires du même auteur sur le Pla de Palau. Là, leur sommet adopte une forme de couronne inversée soutenue par trois dragons.
Gaudí ailleurs en Catalogne et en Espagne : à Mataró, Santa Coloma de Cervelló, La Pobla de Lillet…
La toute première construction de Gaudí est à voir à Mataró, ville située en bord de mer à l’est de Barcelone, près de cette dernière. Il s’agit de la Nau Gaudí, un hangar destiné au blanchiment du coton qui faisait partie d’un complexe industriel de la coopérative La Obrera Mataronense resté inachevé. Des expositions d’art contemporain y sont organisées.
Toujours à proximité de Barcelone, mais cette fois sur son flanc ouest, on se rend à Santa Coloma de Cervelló où l’industriel Güell a demandé à des architectes modernistes de concevoir, en accompagnement d’une usine, une cité comprenant des logements, un athénée, un théâtre, une école, des commerces, des jardins, ainsi qu’une église dont le projet d’édification fut confié à Gaudí. Appelé Colònia Güell, cet ensemble est particulièrement connu pour ladite église, ou plutôt sa « crypte », nom qui désigne la partie de ce lieu de culte qui a été terminée sous la conduite de Gaudí.
Dans les montagnes s’élevant au nord de Barcelone, on se promène dans les Jardins Artigas, lesquels s’étendent à La Pobla de Lillet. Faisant corps avec leur environnement naturel, ils possèdent un air de famille avec le Park Güell. On y découvre une grotte, des fontaines, des ponts…
Gaudí a aussi travaillé hors de la Catalogne. Il a par exemple participé à la restauration de la cathédrale de Palma de Majorque dans les îles Baléares. En Cantabrie, sur la côte Atlantique et non loin de Santander, vous avez le palais El Capricho à Comillas.
En Castilla y León, deux villes voisines possèdent chacune un monument signé Gaudí. Le Palacio Episcopal de Astorga ressemble fortement à un château de la fin du Moyen Âge vu de l’extérieur. Il abrite un musée consacré aux chemins de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. À León, la néo-gothique Casa Botines fait partie des réalisations les plus sobres de l’architecte. Ce bâtiment massif comprend un musée.
Texte : Michel Doussot
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