À la rencontre d’Akpé, l’asso d’architectes qui veut construire Strasbourg avec ses habitant(e)s

À Strasbourg, de nombreuses associations œuvrent dans le domaine de l’économie sociale et solidaire (ESS). Derrière ce terme valise et souvent flou, se cachent des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois qui travaillent pour préparer au mieux le monde de demain. Pour aider à mieux comprendre l’ESS, mais surtout pour découvrir ses actrices et acteurs, on est parti à la rencontre de différentes associations strasbourgeoises. Aujourd’hui, on vous présente l’association d’architectes Akpé, qui souhaite construire la ville avec les Strasbourgeois et les Strasbourgeoises.

Pour trouver Akpé, il faut le mériter. Après une longue balade à vélo vers le sud de Strasbourg, on se retrouve dans une partie de la ville qui fait honneur aux villes portuaires de France. Dans la partie sud du Port autonome de Strasbourg se trouve un gros bâtiment en briques rouges, qui accueille temporairement l’association de trois architectes : Caroline, Hippolyte et Nicolas.

« Un rejet de l’architecture traditionnelle »

Si le nom ne vous dit peut-être rien, il est fort probable que vous passiez tous les jours devant un de leur projet. Le plus connue ? Celui de la rue du Jeu-des-Enfants, au centre-ville. On peut aussi citer l’Arrosoir au Neudorf, ou encore l’Éden dans le quartier Danube. Des constructions qui ont un point commun : construire la ville avec ses habitantes et habitants. Une volonté qui anime l’association d’architectes et de constructeurs depuis sa création selon Nicolas : « On a tous les trois fait l’INSA à Strasbourg. Au début, l’asso provient d’un rejet de l’architecture traditionnelle. La perspective de s’asseoir derrière un ordi et dessiner des toilettes en béton nous enchantaient peu ».

Après une expérience dans l’humanitaire au Togo, ils reviennent en France, et à Strasbourg. Là, ils décident de travailler avec les services publics, les commerçants et les habitants de Strasbourg. Dans un projet inclusif, où tous les acteurs participent à la conception : « On trouve que l’échelle de ce qu’on construit aujourd’hui est déshumanisant. En gros, l’utilisateur final se retrouve éloigné de l’exercice de la conception. Du coup, dans un souci d’écologie et d’inclusion, on a fait ce pari ». C’est notamment comme ça que le premier gros projet d’Akpé, la rue du Jeu-des-Enfants, a été mené.

« Construire avec nos mains et avec les gens »

Par la suite, plusieurs autres projets ont vu le jour à Strasbourg. On peut citer l’Arrosoir dans le Neudorf : hier petite parcelle abandonnée, aujourd’hui jardin partagé et café associatif. Ou encore le parvis devant le CSC Django au Neuhof, l’intérieur du Point Coop, diverses autres petites missions au Port-du-Rhin et le projet Éden, dans le quartier Danube, sur lequel Akpé a construit une buvette en bois qui fait animation de jardin. À chaque fois, ils répondent à des besoins de la Ville, mais surtout à ceux des associations d’habitants. Dans un but social, mais aussi solidaire : « Dans le monde deshumanisé de l’architecture, on fait quelque chose de différent. On se rend compte de l’impact que ça a sur les gens, avec les contacts qu’on peut avoir eux ».

Ainsi, Akpé a développé de véritables projets de co-construction, mais surtout de co-conception. Nicolas développe : « Dans la partie chantier participatif, on va tout préparer en amont en atelier, pour que, quand on arrive, on n’ait que des taches ludiques qu’on puisse faire faire à tout le monde ». Un côté ludique très important : « Ce qui nous plaît beaucoup c’est de construire nous-mêmes avec nos mains, avec les gens. On imagine avec eux, on dessine avec eux et on construit avec eux. Pour s’approprier l’espace public, il faut le construire, le réfléchir et se rendre compte des problématiques. On est dehors, on fait du chantier, du bricolage, du jardinage, de la peinture. Ça c’est hyper agréable ».

« On ne fait pas dans l’architecture, on fait dans le social »

L’asso met en avant le social dans chaque projet, pour comprendre les besoins des habitants et comment faire pour que le projet soit utile à la fin. D’ailleurs, quand on lui demande ce qu’il fait à Akpé, Nicolas a une réponse toute trouvée : « Je dis souvent que je ne fais pas de l’architecture, je fais dans le social ». Et ça passe notamment par des chantiers de réinsertion : « Grâce à des assos, des jeunes qui sont un peu sortis du système viennent une semaine avec nous. Ça les forme, ça les valorise et ça leur donne confiance », développe Nicolas. Ce dernier y voit un enjeu sociétal très important : « Les gens se sentent aujourd’hui déconnectés des prises de décisions. Ils sont consultés mais derrière, ils n’ont qu’à voir ce que ça donne. Du coup, leur donner la possibilité de décider avec nous, c’est d’une certaine manière un exercice de démocratie ».

Akpé s’inscrit donc parfaitement dans l’économie sociale et solidaire, même si le terme reste flou selon Nicolas : « Je ne sais pas trop ce qu’est l’ESS (rires). Pour moi, c’est un fonctionnement de l’économie où le profit n’est pas l’objectif numéro 1. On a choisi le modèle associatif parce qu’on veut pas avoir un retour sur investissement, mais que l’argent aille dans le projet et chez les utilisateurs. Du coup, se pose aussi la question de l’écologie. Si tu cherches un système viable pour tout le monde, tu te poses vite la question de ce que tu construis et quels matériaux tu utilises, quel cycle de vie tu donnes à tes constructions ». Mais surtout, l’objectif d’Akpé est d’impliquer les habitantes et habitants le plus possible : « On va essayer de faire avec les gens, pour les gens, pour remettre l’humain au centre des projets, et les profits bien après ».

Strasbourg, sous la municipalité précédente comme sous l’actuelle, est une ville pionnière dans l’expérimentation urbaine. À l’heure où les débats portent souvent sur la bétonisation de la ville, cela permet à des associations comme Akpé d’essayer de nouvelles formes d’architecture, pour permettre aux Strasbourgeoises et Strasbourgeois de se réapproprier leur ville, en participant à sa construction. Une façon plus sociale de concevoir l’urbanisme, qui nous rappelle que la meilleure façon de construire des choses, c’est ensemble.

Nicolas Kaspar

Articles connexes

Réponses

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *